Panya Clark Espinal

Visions 91

This general introduction by conservatrice invitée Sylvie Parent appears in the catalogue Visions 91, published by Centre international d’art contemporain de Montréal.

L’exposition Visions 91 regroupait dix jeunes artistes du Québec et du Canada et proposait un panorama de la jeune création en art actuel. Privilégiant une diversité de propositions plutôt qu’un thème unificateur, l’exposition demandait une attention soutenue, une disponibilité renouvelée. Les visiteurs devaient s’ajuster à des sensibilités diverses, les différences étant marquées au niveau des approches, des thèmes, des modes deprésentation. Toutefois, il était possible de cerner quelques constantes et ce texte s’attardera à en faire ressortir quelques-unes tout en discutant des particularités. Deux années se sont déjà écoulées depuis l’exposition. J’ai apporté peu de modifications au texte initial rédigé durant la tenue de l’exposition. Il m’a semblé que son caractère descriptif témoignait étroitement de l’expérience des œuvres et j’espère qu’il saura aiguiser de précieux souvenirs.

D’une manière générale, la photographie était un médium très présent. Le plus souvent elle était intégrée dons des installations qui l’entraînaient dans un rapport particulièrement dynamique avec l’image et la problématisaient. Les œuvres n’utilisant pas la photographie remettaient aussi en cause notre rapport aux images en y faisant allusion par le biais d’autres médiums. En effet, ces propositions étaient en relation, chacune à leur manière, avec la médiatisation et les nouvelles technologies qui infiltrent toutes les sphères d’activités et qui sèment des doutes dans notre approche du monde. Images de synthèse, environnements simulés, médiatisations trompeuses dérangent les relations que nous avons construites avec la réalité et la fiction. Le travail de Panya Clark nous mettait face à une impression de perte de réalité en multipliant les représentations d’un même objet référé auquel nous n’avions jamais accès en tant que tel. Alors que l’installation de Joseph Branco nous invitait à une attention maximale face aux données accessibles à nos sens afin de vérifier l’adéquation de la réalité et de sa mise en référence, l’œuvre de Marie A. Côté nous suggérait de sonder ‘invisible par l’imaginaire et la réflexion.’ Barbara Claus posait l’impossibilité de capter le réel dans toute son étendue en traitant de la mort, thème rebelle à la représentation.

Parce que les nouveaux développements technologiques affectent particulièrement notre perception visuelle, les conditions de vision étaient elles-mêmes au centre de plusieurs questionnements. L’installation d’Alain Paiement créait une situation où réel et fiction confondaient notre expérience endramatisant la perception visuelle. L’ceuvre de Lucie Lefebvre sollicitait des actes de vision qui interrogeaient l’intervention du corps dans la perception par le biais de figurations ambiguës et de dispositions signifiantes. Dans le même ordre d’idées, les œuvres de Lorna Brown multipliaient les possibilités d’expériences sensorielles. Les installations de ces artistes faisaient prendre conscience que la vision participe d’une expérience corporelle globale contrairement aux dissociations sensorielles qui marquent notre rapport actuel au monde.

Le corps était en effet au centre des préoccupations dans la plupart des oeuvres, qu’il soit représenté, évoqué ou interpellé. Lien privilégié entre le sujet et le monde, il détermine les relations entre les individus, le rapport à l’autre. Marqué par la différenciation sexuelle (Brown, Windrum, Wood), le corps confirme l’identité (Maestro, Windrum). Il est aussi inextricablement lié au langage (Brown, Clark, Wood). La présence insistante du corps l’affirme comme ancrage, comme certitude dans notre relation à un monde complexifié par la présence envahissante de technologies nouvelles.

Sylvie Parent